Rattrapage de projets CRM en difficulté…

Picto Bouée

Il se trouve que le fondateur de Skama est un ancien officier de la BSPP (Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris) …

Coïncidence sans doute. Mais Skama est de plus en plus souvent appelé « en pompier » pour du sauvetage de projets CRM en mode SOS… 

Tentons de mesurer cette observation, de préciser quelques critères ou symptômes précurseurs de « plantage », de suggérer quelques causes possibles et des pistes de solutions.

Pas d’affolement ! Si vous lisez cet article, c’est que vous êtes déjà conscient que réussir un projet informatique est loin d’être une évidence. Ce pragmatisme vous met d’emblée à l’abri de certains risques.

L’arbre peut cacher la forêt. Validons la mesure…

La définition d’un projet CRM « planté » varie. Il s’agit d’un sujet sensible. “If you can’t measure it… Forget it” disent les consultants.  Nous avons donc équipé la fiche des projets qui nous ont été présentés les 48 derniers mois, d’un champ de sélection « Motivation du projet » :

  • Premier équipement CRM
  • Remplacement d’un outil CRM vétuste (parfois un développement interne…)
  • Nouveau Palier Fonctionnel (Après la Vente, ajout du Marketing, ou du SAV, etc.)
  • Rattrapage projet CRM en difficulté

Le résultat en % plafonné est clair sur les quelques dizaines de projets débutés sur la période 2018/2019 versus  2020/2021. Ce qui a le plus augmenté (X3), c’est le nombre de projets en difficulté.

Bien sûr, l’étude est une estimation. Le nombre de « Premier équipement CRM » qui voisinait les 100% en début de siècle diminue mathématiquement. Et si une équipe montre son savoir-faire dans ce domaine, des projets similaires vont logiquement affluer, etc. Mais même compte tenu de ces biais, l’augmentation du nombre de projets en difficulté paraît sensible. 

Comment repérer un projet CRM déjà ou en train de se « planter » ?

Un cas fréquent est le projet « enterré vivant« . On est parti avec de grandes ambitions puis, le projet CRM s’est rabougri à quelques fonctionnalités alibi dérisoires. Exemple, on utilise juste les fiches contacts du CRM, comme un carnet d’adresses. Fonction pour laquelle Outlook aurait suffi. Les autres fiches de base comme « activités » ou « opportunités » ne sont utilisées qu’exceptionnellement. Le système reste connecté par habitude. Ou par l’utilisation de focntons « PPO » (Point de Passage obligé). Mais l’on découvre un jour que les dernières connexions date de plusieurs semaines.

Autre cas, le projet se passe globalement bien mais une nouvelle fonctionnalité ou un palier majeur reste inutilisé. Cela se rencontre par exemple pour des fonctionnalités, si sophistiquées par rapport aux besoins, que l’équipe n’arrive pas à suivre. Exemple, la brique « Marketing Automation » devenue un métier si pointu, pas seulement en mise en place mais aussi en animation, dont on sous-estime souvent la complexité.

Ou bien le syndrome du « village gaulois« . Quelques services pilotes se sont si bien approprié l’outil que les autres équipes ne l’utilisent guère et continuent d’alimenter les outils antérieurs. Ou pire, ont fini par acheter d’autres outils.

On a vu aussi des projets jamais vraiment lancés. Par peur de l’obstacle, on décale sans cesse le Go-live ou la généralisation… Cachant la crainte du rejet sous des prétextes divers tels que la « base client n’est pas encore 100% importée ou pas 100% propre ». Comme si elle allait l’être un jour…

Un autre prétexte pour ne se pas se jeter à l’eau est souvent « il manque telle ou telle fonctionnalité » présentée évidemment comme essentielle. Vous savez, c’est la fameuse fonctionnalité « Mais-c’est-justement-pour-cette-fonction-qu’on-a-lancé-ce-projet ».

Parfois, le projet n’est pas vraiment planté mais de multiples indices montrent qu’il est de moins en moins (bien) utilisé. Cela se repère sur la formation et donc l’utilisation qui se délite. Les premiers utilisateurs ont eu le droit à des heures de formations intensives, soigneusement préparées et évaluées, par un formateur expert. Plus tard, alors meme que le périmètre fonctionnel a augmenté, les derniers arrivants (qui arrivent certes au compte goutte) sont formés en quelques minutes sur un coin de table avec la recommandation d’aller « demander aux collègues en cas de difficultés ».

Lincoln disait « Si j’avais une heure pour couper un arbre, je passerai la première demi-heure à affuter ma hache ». Et bien, comme une lame, un outil CRM doit être régulièrement aiguisé sinon il s’émousse insensiblement jusqu’à devenir inutilisable. Le savoir-faire s’est perdu… Suite à la rotation des équipes, on oublie le bon fonctionnement d’une fonction, jusqu’à oublier son existence même[1].

Alors quelles raisons à ces échecs ?

Vu la coïncidence des dates, la première idée est celle du … COVID ! Fausse piste, la courbe était sensiblement la même sur les deux années précédentes, avant-COVID. Et de l’avis de la plupart des chefs de projets, les équipes ont vite appris à travailler à distance, aussi bien qu’en présentiel. La période COVID s’est même révélée propice aux projets CRM. En période de home-office, les utilisateurs sont motivés par l’évidence du besoin d’une dématérialisation des outils. Et ils ont souvent disposé d’une plus grande disponibilité suite à l’arrêt d’autres projets.
Dans le temps long (10, 15 ans…) en revanche, on peut supposer que les projets les plus évidents avec des demandes faciles et les équipes motivées, ont été signés en premier et que d’année en année, les projets deviennent plus rares et complexes.

Les causes sont donc diverses et parfois multiples. Mais elles ont l’humain en point commun : la réussite d’un projet CRM est une alchimie qui associe les bons acteurs, au bon moment, avec les bonnes compétences et les bons outils. Et dans l’affolement, la question du « qu’est-ce qui a cloché ? » dérive d’ailleurs souvent vers « c’est la faute de qui ? ». 

Creusons.  Un projet CRM = un outil CRM acheté à un éditeur et déployé par un intégrateur ou par le client lui-même.

Alors faut-il incriminer l’outil CRM, l’intégrateur ou l’équipe interne ?

Les situations sont toutes différentes mais un constat s’impose : L’outil est constant. Les équipes non.

On peut donc écarter une piste. Si l’outil choisi est de qualité et fonctionne déjà bien dans de nombreuses organisations similaires (comme le CRM Salesforce), Le produit n’est a priori pas en cause[2].

Certes, le souci est parfois « technique » (mauvaise architecture ou modélisation initiale par exemple). Mais même dans ce cas, on en revient à l’humain.

L’outil n’est parfois pas seulement mal paramétré mais littéralement saccagé par un soi-disant administrateur en fait débutant ou incompétent. Interne ou externe.

Ce « pseudo administrateur » peut venir de l’entreprise elle-même. Par économie souvent, on nomme comme admin CRM un salarié bidouilleur. Le résultat est d’autant plus catastrophique que cet employé est a priori « légitime », un membre de l’IT par exemple qui pourra briller par des aménagements fumeux auxquels personne ne comprend grand chose mais « on lui fait confiance ». Son incompétence métier est masquée plus longtemps et les dégâts seront d’autant plus importants. ce syndrome est décrit ici : Je n’ai pas besoin d’aide, je vais d’abord découvrir Salesforce par moi-même…

Le danger d’incompétence peut hélas aussi venir d’un intégrateur. Le consultant pressenti varie selon le planning ou les disponibilités. Le super consultant expérimenté et au palmarès impressionnant, qui a vendu la mission doit parfois, au dernier moment, pas de chance, être remplacé par un jeune certifié. Et là, même avec une super méthodologie dans son cartable neuf, le consultant en culotte courte aura un peu de difficulté à challenger les demandes.

Certains intégrateurs CRM se vantent de voir leurs effectifs exploser, avec une croissance à 2 ou 3 chiffres ! Dans le conseil, cela doit-il rassurer ou … inquiéter ? Un consultant expérimenté n’est hélas pas un produit l’on peut cloner. Difficile donc d’augmenter simultanément sa taille et la sélectivité du recrutement. La croissance du marché CRM est d’ailleurs un tel Eldorado qu’elle pousse des initiatives publiques de « reclassement en masse » pour former en quelques semaines des wagons de jeunes admins CRM.

Au crédit de l’intégrateur d’ailleurs, et pour ce qui est de l’inexpérience, le client fait parfois le même coup avec le choix du chef de projet interne et remplace au dernier moment le chef de projet chevronné qui connait bien la maison par une ressource plus débutante, moins chère, et surtout plus disponible.

Le syndrome du passager-pilote

La banalisation de l’usage d’un produit leader comme Salesforce alimente la confusion. Comme pour Excel ou Word, il est désormais rare, dans une force de vente, de ne pas trouver au moins un commercial qui a déjà utilisé Salesforce dans une vie antérieure. Et qui se retrouve « chef-de-projet-interne-tout-désigné ».  S’il connaît bien la maison, et qu’on lui adjoint un vrai expert CRM ; l’essentiel est sauf. S’il n’est pas très expérimenté et surtout s’il veut faire « tout seul », le passeport vers l’échec est tamponné.

Le chef de projet CRM Saint Georges et le Dragon

Ne confondons pas mauvais acteur et mauvais casting

Le souci ne vient pas forcément d’une personne mais du rôle inadapté qu’on lui attribue. Comme l’explique Olivier d’Herbemont dans « Intelligence collective », tous les projets d’entreprises rassemblent les héros typiques des histoires pour enfants. Qui sont elles-mêmes toujours bâties sur le même modèle. Quels que soient les époques ou les pays :

Il y a un Roi (le décideur sponsor du projet), qui confie à un chevalier (le chef de projet interne) la mission de faire disparaître un méchant (le problème à résoudre) qui menace le royaume (l’entreprise à équiper). Pour cela le gentil chevalier obtient l’aide d’un sorcier (l’expert intégrateur) qui lui fournit l’épée magique (l’outil CRM paramétrable) et lui apprend à s’en servir.

Chacun a son rôle et les mélanges de genres font les mauvaises histoires…

Par exemple quand un sponsor grille sa crédibilité en voulant devenir l’expert de l’outil CRM qu’il croit maîtriser alors qu’il l’a juste utilisé en tant que commercial dans une vie antérieure. Au lieu de demander à l’intégrateur le « pourquoi », il prétend indiquer « le comment ». Un peu comme si un voyageur, au lieu d’indiquer au pilote sa destination, prétendait piloter l’avion au prétexte qu’il a déjà beaucoup voyagé. …  Un autre rôle plus crucial attend le sponsor.

Le rôle du sponsor

Le paradoxe du CRM est qu’il est un formidable outil collectif et à long terme, à l’époque de l’individualisme et de l’immédiateté. Chacun y saisit des informations qui seront précieuses au groupe, un jour… Mais donc pas forcément à lui-même et pas forcément tout de suite.

Le CRM est donc un outil de générosité et son succès, le creuset et l’aboutissement d’un bon esprit d’équipe.

Un projet CRM est aussi un projet structurant, qui impose de changer des habitudes de travail. Et cela n’est jamais confortable, c’est exigeant. Cela demande donc au sponsor de l’énergie, de la force de conviction mais aussi parfois un peu d’autorité. Ce genre de projet est donc un défi pour un manager du XXIème siècle dont l’autorité n’est plus la valeur phare. Et qui parfois a peur de ses équipes.

L’adage suivant donne alors la solution aux managers timorés : « Quand le chef ralentit les hommes s’arrêtent. Si le chef s’arrête, les hommes se couchent, mais si le chef accélère, les hommes courent et le dépassent ».  A défaut d’autorité, le sponsor du projet CRM mettra donc en œuvre l’autre valeur clef du manager : l’exemple.

Pas besoin de devenir expert CRM pour le sponsor. Ni au-dessus ni au-dessous de son équipe, le directeur commercial doit juste savoir bien l’utiliser lui-même et pousser ses commerciaux à mettre là les informations qu’ils souhaitent partager avec lui.

La meilleure façon de tuer un projet CRM pour un Directeur commercial serait de dire : « moi, je n’aurai jamais le temps d’apprendre à me servir d’un tel outil et ce n’est pas mon rôle. Je demanderai juste à mon assistante de m’en sortir de temps en temps quelques données intéressantes ».  Nouveau coup de tampon sur le passeport vers l’échec !

Et si le chef de projet intégrateur est celui qui porte la responsabilité de l’échec in fine. Faut-il donc le changer ?

Le succès du projet dépend beaucoup de la qualité de l’interlocuteur chef de projet interne client. Mais même si l’intégrateur n’est pas à l’origine du problème, il est responsable professionnel par définition, ne serait-ce que par son devoir d’alerte, de conseil … ou de retrait.

En pratique, il est parfois préférable de procéder à un changement d’interlocuteur. Ce qui ne signifie pas forcément changer d’intégrateur mais au moins de personne. Dans une équipe renouvelée, certaines tensions vont s’apaiser, des choix être challengés différemment, la parole va se libérer.

D’une part, le remplacement de l’intervenant externe est le plus simple à tenter qu’un intervenant interne. D’autre part, une pression implicite utile va s’accentuer sur les intervenants internes ainsi que l’envie de réussir. On le comprend bien. Si un client « use » 2, voire 3 intégrateurs successifs, c’est que le souci vient plutôt de l’équipe interne. Qui aura d’ailleurs bien progressé à l’occasion de ses difficultés.

Marche à suivre pour relancer le projet

Après un audit rapide (cf. ci-dessous) pour préciser les raisons de l’enlisement du projet CRM, l’équipe projet proposera donc des méthodes de redynamisation du projet et des objectifs permettant une remobilisation des équipes. Dans les structures importantes la conduite du changement impose une méthode plus sophistiquée. Skama utilise la « méthode du projet latéral » dont son inventeur, Olivier d’Herbemont, a prouvé qu’un projet réussi imposait un ordre d’entrée en scène et un rôle précis pour chaque groupe.

matrice STRATEGIE PROJET LATéRAL avec itinéraire

L’audit comporte un questionnaire « musclé » avec des questions un peu directes, comme ci-dessous,

(…)
💡 Le management (jusqu’à la Direction) a-t-il suffisamment expliqué et promu l’usage du système ?
💡 Le projet a-t-il d’emblée été positionné comme « t-i-n-a » -(There Is No Alternative) ? Ou on contraire l’a-t-on timidement présenté comme un projet parmi d’autres voir un « test » ;  ce qui le condamnerait d’emblée ?
💡 Le management donne-t-il l’exemple ? l’utilise-t-il lui-même ? Les utilisateurs savent-ils par exemple que les données qu’ils saisissent font l’objet de Tableaux de bord, de rapports, régulièrement consultés par le management ? Ce dernier fait-il retour, par exemple via des commentaires Chatter, au sein de l’outil ?
💡 Comment les priorités fonctionnelles ont-elles été définies?
💡 Une analyse préalable du terrain selon la méthode du « projet latéral » a-t-elle été faite ? Quels groupes constituent des locomotives / les hésitants / les opposants, ? Pourquoi ? (Voir image ci-dessus)
💡 Considéré individuellement, un CRM est souvent assimilé à une contrainte. Quelle est l’ambiance de collaboration. Existe-t-il un esprit « d’équipe» ?
💡 Quels sont les indicateurs utilisés pour l’adoption ?
💡 Chatter est-il utilisé ?… Sur forums / Sur enregistrements ? Les managers sont-ils réactifs à montrer à un commercial qui pose une question par mail sur un dossier précis de passer plutôt par un fil chatter sur enregistrement ? Existe-t-il un groupe Chatter Idées- Questions CRM pour faire progresser l’outil et montrer à chacun qu’il contribue à son design ?
💡 Les réunions commerciales sont-elles organisées autour de l’outil avec usage successif de la souris par un commercial pour chaque réunion.
💡 Utilisation de fonctions à effet « Waouh » : Exemple : lien avec la messagerie ? Opérationnel ? => ex de KPI, combien d’activités de type d’historique d’E-mails importants sont stockés dans la CRM
💡 Quels sont les P.P.O. de l’outil pour chaque profil ?
💡 Qui est l’administrateur local ? Comment agit-il pour emporter l’adhésion. Quel % de son temps est affecté au projet. Est-il légitime par rapport au métier (expérience commerciale ?)
💡 Les assistantes saisissent-elles les données à la place les commerciaux ?
💡 Comment les commerciaux ont-ils été impliqués dans le projet ? Qui était leur représentant pour l’AMOA ? Qui est leur porte-parole dans l’équipe projet CRM (si elle existe ?)
💡 A quoi le CRM est-il connecté (back-office comptable ? production ? autre ? ). Ces passerelles sont-elles opérationnelles et fiables pour rassurer sur la validité des données affichées dans le CRM et déclencher la confiance des utilisateurs qui les exploitent ?
💡 etc. (le diagnostic comporte près de 150 questions triées par département et process).

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Les équipes qui disposent de Salesforce ont la chance d’être dotées de la Rolls-Royce des CRM. Les «commerciaux hésitants» doivent donc sortir de leur zone d’hésitation.

Hésiter à utiliser un CRM pour un commercial, c’est comme hésiter à utiliser un tableur pour un financier, ou un traitement de texte pour une secrétaire. Cela revient à … changer de métier.

[1] Lors d’un audit, le consultant passa voir les commerciaux pour vérifier le bon fonctionnement de quelques fonctions-clefs. Notamment la passerelle Messagerie <=> CRM, fonction essentielle  pour l’adoption de l’outil. La réponse du premier commercialisateur rencontré, un embauché récent, ne l’étonna qu’à moitié : « Ha bon ?… Il existe une passerelle entre Salesforce et Outlook ?!… »

[2] On peut au pire soupçonner un syndrome d’indigestion : on a acheté et voulu déployer trop de fonctionnalités, trop vite. Ou bien le client a mal entendu et a confondu dans les arguments de vente « outil simple à utiliser » et « projet simple à déployer »… 😊

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